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INTENTIONS

Un jour, par hasard, je me suis retrouvée devant une coupe de sol. Je suis restée subjuguée devant le tableau naturel qu’offraient ces strates appelées  « horizons ». Tout était beau : le camaïeu de couleurs, les formes, les paysages que les strates dessinaient, l’histoire millénaire qu’on pouvait y lire. J’ai ressenti ce jour là une forme d’attachement au sol. 

 

Puis, l’alerte : le sol disparaît !

 

À la radio, Christian Feller, chercheur en sciences du sol tirait la sonnette d’alarme : 

« Ce dont vous parlez : la perte de l’équivalent d’un département tous les 7 ans, c’est une perte qui est uniquement due au recouvrement par le bitume. C’est le danger numéro 1 des sols actuellement et dans le monde entier évidemment. Et comme par hasard, les sols qui sont recouverts par du béton, du bitume, ce sont souvent des sols très riches parce qu’ils sont souvent dans les plaines. Et c’est là qu’on va installer des aéroports, des autoroutes... donc ce sont des sols qui étaient des sols agricoles. (...) C’est la grande alerte et donc c’est un problème de politique générale d’un Etat. On ne peut pas dire qu’on ne peut plus faire de routes mais c’est une vraie question. On doit s’interroger très sérieusement : qu’est ce que ça implique de perdre des sols en France et dans le monde entier ? »

 

Entrevoir cette perte a suscité mon désir de film. Un film pour parler des liens que l’on peut tisser avec le sol pour ne pas le perdre.

 

Lorsque j’ai entendu parler d’une « fabrique à terre » pour reconstituer de la terre fertile sur le site de la friche du marché-gare à Lyon, j’ai tout de suite pensé que ce terrain d’expérimentation serait le lieu du film. Il y avait là réunis : un vieux sol dégradé - symbole des dégâts causés par l’industrialisation -, une proposition de réparation et une équipe d’aménageurs et de chercheurs qui regarde sous ses pieds avec la conscience que les lignes doivent bouger. Au coeur de leur réflexion, une question centrale : comment répondre à la demande croissante de végétalisation des villes sans prélever la terre fertile des campagnes ?

 

Plusieurs manières de faire sont expérimentées sur le terrain de la «fabrique à terre». Le principe premier est simple : il s’agit de récupérer des terres non fertiles (des limons provenant de chantiers conduits sur le territoire de la métropole lyonnaise), de prendre le temps de les faire « maturer » grâce à l’ajout de compost et au semis de plantes, puis de les utiliser pour planter les arbres du bois. J’ai pris le parti de rester centrée sur une des manières d’expérimenter la reconstitution de terres fertiles : la disposition de la terre sous forme d’andains.

Je suis partie caméra au poing dès le début des expérimentations en 2018. J’ai assisté aux ballets des tractopelles déplaçant la terre, observé les transformations de l’espace, l’arrivée des insectes, les fleurs, etc..., échangé avec les concepteurs (urbanistes, paysagistes), suivi l’entreprise d’espaces verts, les chercheurs en microbiologie, les ingénieurs en agronomie dans leur travail. J’ai vu dans ce croisement de disciplines et de compétences, relativement inhabituel dans le domaine de l’aménagement, une nouveauté dans la conception de l’espace urbain : la volonté de prise en compte de différentes formes du vivant, d’autres manières d’être, d’autres richesses, d’autres relations que celles induites par une croissance à tout va. 

 

Petit à petit, le repérage filmé s’est transformé en «des manières d’arpenter» pour dessiner un mouvement vers le sol. C’est ce mouvement que j’ai voulu restituer dans le film en mêlant horizontalité et verticalité, matières et surface planes, plans larges et gros plans, brouhaha de la ville et vent dans les feuilles. La musique joue également un rôle important dans ce mouvement. Tout d’abord dans une première phase, l’idée a été de tisser des liens par le biais de la musique avec les habitants du quartier. Le Grand Larsen, un collectif de musiciens et pédagogues, a porté l’initiative en invitant les habitants par un appel à participation à constituer un orchestre de quartier pour créer et jouer la musique du film. L’Orchestre de Génériques, intitulé ainsi par ses initiateurs Greg Gilg et Mocke, a regroupé seize personnes de tous âges et de tous horizons.  Ils se sont retrouvés régulièrement sur le site même de l’ancien marché-gare (algéco de chantier et locaux de la SPL)  pour répéter puis enregistrer la musique du film. Le résultat de ce travail singulier est le rôle jouée par la musique dans la narration : elle contribue à  la dimension organique et poétique du récit.

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